CE QUE JE VOIS (whoo hee ha ha)


une proposition de Blandine Gwizdala
avec Jean-Michel Alberola, Wandrille Duruflé, Olivier Millagou et Nicolas Moulin
exposition hors les murs, In extenso, Clermont-Ferrand
du 17 juin au 15 juillet 2011

« Celui-là m’enrichit qui me fait voir tout autrement ce que je vois tous les jours »
Paul Valéry
Je peux voir les yeux fermés.
Picasso disait qu’il ne peignait pas ce qu’il voyait mais ce qu’il pensait. L’interprétation de son environnement est la traduction d’une réalité singulière et personnelle gorgée de références et de mythes propre à son expérience. Tout ce que je vois est une réalité, mais est-elle celle de l’autre ? La perception des événements et leur rapport est déformée, amplifiée, manipulée par notre esprit qui l’alimente de son imaginaire. Ainsi, la beauté des choses n’est-elle pas dans leur interprétation ? Il ne s’agit pas d’enfermement et de repli sur un possible monde parfait ni d’une fuite d’une réalité qui ne satisfait pas, mais au contraire d’une ouverture de l’esprit, d’un éveil de la conscience et des sens sur ce qui nous entoure.
Il n’y a donc aucun pessimisme, juste une fragilité face aux bouleversements d’une contemporanéité incomprise et in-admise. Face à une vague de sentiments mélangés et non ménagés. Face à un être en train de changer, dépassé mais pas encore surpassé. Face aux utopies merveilleuses. Juste une sensibilité à la beauté environnante et à cette richesse offerte généreusement sur un plateau. Juste une nouvelle page à écrire, une belle page blanche.



JEAN-MICHEL ALBEROLA

Jean-Michel Alberola compte parmi les figures majeures de la peinture contemporaine française. Associé au début des années 1980 au retour de la figuration, il apparaît sur la scène artistique avec Gérard Garouste et Patrice Giorda. Ensemble, ils appelaient à un retour de la « peinture cultivée », pour sa pratique de la citation des grands maîtres et son attachement aux thèmes classiques, religieux ou historiques. Jean-Michel Alberola réunit dans son œuvre figuration, abstraction et conceptualisme. Son art fait appel à la citation qui renverse la vision ordinaire. Il travaille par association d’idées et métaphores, donnant naissance à des espaces imaginaires dont la substance première est l’expérience intime de l’artiste, mêlée aux événements collectifs de notre époque.
Extrait de la préface de l’ouvrage Jean-Michel Alberola, L’œuvre imprimé, par Bruno Racine
Bibliothèque nationale de France, 2009

Une icône des populations, c’est une surface simple et verticale, un peu comme une personne debout et face à nous. Si nous regardons bien l’autre devant nous (écoute) nous voyons, nous percevons sa constitution. Celle-ci est faite de l’addition de ses origines, de sa parole, de sa pensée, de sa tenue, à savoir : ses parents, ses familles, ce qu’elle a lu, vu, entendu, touché, goûté, pensé et même chanté. Cette accumulation fabrique une surface très finement tissée. Cette surface est comme une population qui est derrière la personne, comme un groupe, une masse qui accompagne le mouvement, que nous pouvons percevoir si nous sommes attentifs à cette personne. Cette masse de vivants et de morts nous protège, nous permet l’échange. Elle est visible et invisible, comme une icône. « Nous sommes » est avant « je suis ».
In Jean-Michel Alberola, Le seul état de mes idées, 2006


A l’intérieur de l’œil, comme une chose que l’on n’aurait pas dû voir : un vide personnel qui ne s’évanouit jamais.
In Jean-Michel Alberola, Le seul état de mes idées, 2006


Il eût voulu avoir une conscience fraîche, fraîche, c’est ainsi qu’il s’exprima, et qu’il lui demandât d’accomplir d’autres devoirs, des devoirs nouveaux et plus hauts, envers les hommes, parce qu’à accomplir les devoirs habituels il n’y avait pas de satisfaction, et l’on se retrouvait avec soi-même comme si l’on n’eût rien fait, mécontent de soi, déçu. « Je crois que l’homme est mûr pour d’autres choses, dit-il. Pas seulement pour ne pas voler, ne pas tuer, etc., et pour être un bon citoyen… je crois qu’il est mûr pour autre chose, pour de nouveaux, pour d’autres devoirs. C’est cela, je crois que l’on sent : l’absence d’autres devoirs, d’autres choses, à accomplir… Des choses à faire pour notre conscience, dans un sens nouveau ».
Elio Vittorini, Conversation en Sicile
In Jean-Michel Alberola, Le seul état de mes idées, 2006



WANDRILLE DURUFLÉ

A chaque jour sa petite éternité, on se retrouve dans un brouillard architectural où s’entrecoupent perspectives, tranches colorées, que sais-je encore… Je ne définis plus rien, il ne s’agit que d’un amas de sensations, de perceptions. C’est d’une errance hasardeuse que surgissent mes plans, mes paysages.  Leurs fragments, leurs couleurs, leur histoire n’est qu’une suite de rencontres fortuites qui se regroupent dans la légèreté de mes systématiques absences. Les collages, les sculptures, les installations ne sont que la synthèse de mes voyages, de mes souvenirs, de mes attaches, ils s’associent et pourraient tel un jeu de tangram répondre à une infinité de plans, ils sont en perpétuel mouvement et définissent un état de flottement général, le rythme d’un temps voulu, l’état d’un lieu indécis.
Wandrille Duruflé

Wandrille Duruflé propose une balade au cœur de lieux imaginaires, néo-futuristes, où les matériaux récupérés superposés les uns sur les autres proposent des formes nouvelles et en même temps familières dans nos utopies lointaines. Les paysages sont constitués de plusieurs matières collées au gré des constructions architecturales dessinées au crayon sur des vieilles lettres et papiers usés façonnant une ville, des lieux que l’on entend bruire comme dans un souvenir flou, et dans lesquels l'on pénètre curieusement.
Blandine Gwizdala, pour Sightseeing, 2010 



OLIVIER MILLAGOU

La matière Millagou, celle qui fait osciller sa ligne esthétique, c’est la rencontre conçue sur un principe mobile de sollicitation, d’intégration et d’application dont, in fine, la question du beau, chère à l’artiste comme au surfeur, demeure inhérente. Bien sûr, à cela il ajoute ses ingrédients propres, ceux de sa réflexion sociétale, de ses goûts propres, de ses outils plastiques, de sa culture pop, surf, littorale, mais sans jamais les laisser déborder au nom de ce qui serait son jaillissement, son cri d’artiste moderne dont il répèterait la couleur et la vindicte à foison. A l’observation du travail artistique dont Millagou se recouvre, il est frappant de noter comment son empreinte se confond avec ce qu’il emprunte tout en donnant à la chose empruntée, détournée, le message, le visage qui en font la modernité, la pertinence actuelle par l’opportunité proposée.
De punaise en galet, de bois brûlé en plaque de fonte, Millagou module sa matière, sa rencontre sur le son de mots qui résonnent comme de palmiers qui s’étiolent, mais avec toujours cette élégance, cet esthétisme de s’allier à l’attelage qu’il met en mouvement et non d’atteler l’ouvrage à sa seule propre tension, comme le font tant d’artistes. Ayant une telle démarche, Millagou n’a de cesse de guetter les ingrédients et leurs enjeux de déplacer son action, de détourner son projet par la venue de l’autre.
Extrait du texte Le fil d’une commutation esthétique, par Gibus de Soultrait
In Olivier Millagou, 2010

Soleil noir. Pas celui de Nerval, pas celui de la mélancolie. Chez Olivier Millagou, le soleil est noir parce que tout l’est : les illusions, les désirs, les paradis, tous les continents de la pensée. Un noir pas triste, pas pessimiste ; juste un noir qui sert d’écrin aux rifs de guitare et aux souvenirs de vagues mémorables. Noir cependant car quelle lumière trouver à notre horizon contemporain ? Celle des barbelés qui nous entourent ?
Extrait du texte Soleil noir, par Emmanuelle Lequeux
In Olivier Millagou, 2010


NICOLAS MOULIN

Les mythes urbains et technologiques qui conditionnent nos sociétés depuis l’âge de la révolution industrielle constituent la matière première du travail de Nicolas Moulin. Celui-ci consacre une grande partie de son activité aux pérégrinations urbaines et périurbaines. Le processus d’élaboration de ses travaux procède d’une pratique active et d’une observation critique de ce paysage et de ses symptômes. Des territoires propices à générer des anachronies fascinantes, et des spirales historiques étranges. L’œuvre de Nicolas Moulin convoque les référents historiques de ces paysages et les mixe avec des éléments que l’on désigne génériquement comme de « science-fiction ».

Un grand nombre de ses œuvres pourraient potentiellement constituer une sorte de « réponse » à notre monde contemporain, où se côtoient dans un équilibre dont il a le secret sarcasme et romantisme, ou bien encore fascination et effroi. Notre âge orphelin de lendemain meilleur semble s’être perdu la nuit dans un bois où restent invisibles les éléments qui le rendent anxieux. Cette dystopie établie se retrouve dans l’ensemble de son œuvre où la science fiction qu’il revendique comme la culture de sa génération n’évoque pas un futurisme féérique mais « un présent achronique composé de souvenirs rétroactifs qui génèrent à travers l’espoir ou la peur la notion de « demain ». La composition de ses paysages à la chronologie déboussolée, fait appel à une vision du futur où le spectateur se retrouve confronté à un « déjà-vu » qu’il n’a jamais vu, fonctionnant comme une réalité belle et bien existante, à l’image des « souvenirs implantés » des replicants de Blade Runner ou de la phrase de Jg Ballard : « le rôle de l’artiste n’est plus tant de produire des fictions dans un monde qui en est saturé, mais bien d’inventer des réalités ».

Certaines de ses pièces que je nommerais « para-photographiques » utilisent la notion de « faux-semblants ». Elles effacent soigneusement le processus avec lequel elles sont produites, laissant de côté l’idée d’une image photo qui retranscrit ou pour mettre en avant l’idée qu’elle est tout simplement. C’est le cas de VIDERPARIS (2001), de NOVOMOND (2000), PANCLIMNORM (2006) et plus récemment BLANKLUMDERMILQ (2009) et WENLUDERWIND (2009). Paysages de « vestiges futuristes », ou de « fausses archives » en noir et blanc, destinés selon lui à révéler un imaginaire contemporain, ou après le « future is now », le « too much future » et le « no future » règne le « No Present ».
Extrait du texte Faux semblants, par GB



 

The Cramps 
She said (whoo hee ha ha)
(une chanson originale d'Hasil Adkins)

Why's don't I tell you what it is?
I wen' out last nigh' and I got messed up
When I woke up this mornin'
Shoulda seen what I had inna bed wi' me
She comes up at me outta the bed
Pull her hair down the eye
Looks to me like a dyin' can of that commodity meat
And says
And says
Whoo hee ha ha !
Whoo hee ha ha !
Whoo hee ha ha!
Woo ee ah ah!
Wooooeeeeahhh!

So this time we got waay over here
(Where?! Where?!)
I don't know, since it was early dawn's light
She jumped up outta the car
She pulled her hair down her eye
She looked to me like a dinosaur 'bout to jump outta that seat
She said
She said
She said
Whoo hee ha ha !
Whoo hee ha ha !
Whoo hee ha ha !
Whoo hee ha ha !
Wooooeeeeyahhhh!

So this time we got waaay over here
And then we went waay down here
We got all the way over
'n that lady sound like this:
Oooooo! Oooooo!
She said
She said
Whoo hee ha ha !
Whoo hee ha ha !
Whoo hee ha ha !
Whoo hee ha ha !
Wooooaaahhyahh!

So this time we went waaay over there
Now things was really gettin' goin'
Boilin' up with the blisters
She sound like this:
Ooooo! Ooooo!
She jumped up outta the car
Pulled her hair down her eye
And do you know what she tol' me?
Do you know what she try to tell me?
She said
Ooooo! It feel so goood!
Whoo hee ha ha !
Whoo hee ha ha !
Whoo hee ha ha !
Whoo hee ha ha !

Whoo whoo eeeeeyahhhh!
Yah yah yah!
Whoo hee ha ha !
Whoo hee ha ha !
Whoo hee ha ha !
Whoo hee ha ha …!